LA GRANDE RAFFLE D'AOUT 1942 A RIEUMES
La municipalité de Rieumes en mémoire de Jacob, Rébecca et Evelyne Lakser qui ont vécu deux ans dans leur ville puis ont été arrêtés et envoyés au camp d'extermination d'Auschwitz.
Les recherches conjuguées du Mémorial Juif et des historiens régionaux (Eric Malo, Jean Estèbe), permises par l'ouverture des archives, ont récemment éclairé une période dramatique de notre histoire : la grande rafle des juifs du mois d'août 1942.
Après un accord entre le nazi Oberg et Bousquet, chef de la police de Vichy, il est décidé d'opérer dans la zone non occupée une la rafle (très discrète elle eut lieu avant l'aube pour ne pas choquer la population) de tous les juifs étrangers, en grande majorité des femmes et des enfants, réfugiés dans la région depuis l'exode de mai 1940. Cette nuit du 26 août 1942 avec des cars réquisitionnés par la préfecture, des GMR et des gendarmes viennent arrêter plusieurs centaines de personnes sur la Haute-Garonne en particulier à Saint-Lys, Pouy-de-Touges, Labastide-Clermont et Rieumes.
Ce terrible matin, Jacob Lakser (46 ans), son épouse Rébecca (33 ans) et leur petite fille, Evelyne âgée de cinq ans sont interpellés. Amenés au camp de Noé, ils seront envoyés le mois suivant au camp d'extermination d'Auschwitz où ils seront rapidement exécutés.
La famille arriva à Rieumes le 15 mai 1940. D'origine autrichienne, les Lakser avaient fuit l'Autriche au moment de l'Anschluss et s'étaient réfugiés en Belgique. Jacob est arrêté rapidement, non pour sa religion, mais parce qu'il était ancien combattant autrichien... Mais Rébecca et Evelyne resteront à Rieumes deux ans. Privée d'allocation en octobre 1940 Rébecca doit assumer sa survie et celle de sa fillette. Jacob est interné au camp de concentration de Saint-Cyprien, puis à celui de Gurs et enfin à celui de Septfonds où il fait partie des GTE : groupes de travailleurs étrangers. Il aura une permission de longue durée à la fin de l'année 1941 où il put rejoindre les siens à Rieumes. Rébecca trouve un emploi à l'hôtel Delage et Jacob sera ferronnier chez les Barrié. Evelyne sera admise à l'école maternelle à la rentrée 1941 où, à la grande joie de l'institutrice et des ses parents, elle apprend très rapidement à parler, lire et écrire en français au contraire de ses parents qui ne s'expriment qu'en allemand. Atténuant la dureté de leur vie plusieurs rieumois sont solidaires de leur détresse tel le maire François Beyria, le docteur Schwartz, le pharmacien Giralt, Madame Brocas, les Queilles, les Pauly, les enseignants des écoles
La nuit de la rafle, Rébecca confie à monsieur Beyria, maire de Rieumes, quelques menus objets pour son retour qu'elle espère encore. Amenés à Noé, les Lakser seront amenés en train le premier septembre avec 168 autres personnes à Drancy. La famille fait partie du convoi de wagons à bestiaux qui amènent un millier de personnes vers le camp d'extermination d'Auschwitz. Destin cruel qui ramène pour l'éternité les Lakser vers cette Pologne qu'ils avaient quitté enfants devant la violence antisémite. Après quelques années de paix et de bonheur à Vienne (Autriche) où Jacob et Rébecca vont se rencontrer et se marier et où va naître en 1937 Evelyne, il faut encore fuir devant l'entrée des Nazis avec l'Anschluss. Les Lakser s'installent en Belgique, après à peine un an de calme les Allemands attaquent en mai 1940. Au travers de la masse des réfugiés qui vont vers le sud, les Lakser se retrouvant à Toulouse. Les autorités locales vont répartir ces milliers de personnes vers les communes du département. Près de trois cent réfugiés arrivent en gare de Rieumes le 17 mai 1940. Des français du Nord, des Belges, des Alsaciens-Lorrains et enfin les " étrangers et apatrides ", 75, tous juifs, presque tous polonais. France terre d'asile ? Pas vraiment, Jacob est arrêté comme ancien soldat autrichien et envoyé à Saint-Cyprien Avec l'installation de Vichy et les lois antisémites, les juifs, nommément désignés sous ce critère religieux, perdent leur allocation de réfugié le premier octobre 1940. Pour les rares en résidence libre et qui n'ont pas une cagnotte, c'est la survie par du travail dur et sous payé. L'aspect de l'exploitation économique des juifs et des proscrits de Vichy en général (républicains espagnols en particulier) n'a pas été assez énoncé mais il va de soi que les GTE permettent à quelques sociétés des profits non négligeable grâce à ce nouveau servage
Des années plus tard, Madame Périssé, fille du maire tente des recherches. Mais il n'y a pas encore l'infrastructure mise en place par Serge Karsfeld et le Mémorial Juif. L'an passé Madame Périssé fait appel au service des Archives Municipale de Rieumes et par Internet le contact s'engage permettant la découverte d'un neveu de Rébecca, Salomon Wald, haut fonctionnaire à l'OCDE, résidant à Paris. Salomon est bouleversé à l'annonce de ces traces de vie retrouvées. Par bonheur, fragments d'émotion et d'histoire échappés au cataclysme, Salomon a conservé la correspondance échangée entre sa mère et Rébecca. La vie de la famille à Rieumes jusqu'aux terribles et dernières nouvelles envoyées de Noé, permettent avec la documentation et les témoignages conservés à Rieumes de retracer l'itinéraire de ces vies brisées par le racisme et la folie.
A. COSTES